Pourquoi amputer l’Etat de son bras financier ?

Dans un article du « Standaard », deux députés libéraux flamands, Luk Van Biesen et Dirk Van Mechelen, suggèrent de mettre en Bourse une partie substantielle du capital de la SFPI, le « bras financier de l’Etat », dont le bilan dépasse 2,2 milliards d’euros. C’est dans l’air du temps : pourquoi aurions-nous besoin d’une agence fédérale pour gérer des participations dans des entreprises publiques ou privées ?

Bron: Trends 

Pour bien appréhender l’enjeu, qui est hautement politique, il faut se rappeler que la SFPI gère des participations pour son propre compte, et pour le compte de l’Etat. Elle détient par exemple des parts dans bpost, Brussels Airport, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, la Sonaca, la Loterie nationale, etc. Elle a aussi investi dans de nombreux fonds, la plupart remplissant un travail évident de soutien au développement économique (en finançant par exemple des spin-off universitaires ou une plateforme d’aide aux PME qui veulent s’installer en Chine), alors que d’autres financent des projets plus anecdotiques comme des start-up en Inde ou la gestion des déchets au Brésil.

Et c’est aussi la SFPI qui, avec l’argent que lui confie l’Etat, remplit des missions déléguées pour celui-ci, en gérant ses participations dans Dexia, Belfius, BNP Paribas, Infrabel, etc. Des participations qui doivent peser entre 10 et 15 milliards d’euros. Dirk Van Mechelen suggère donc que l’Etat conserve en direct quelques participations stratégiques (comme sa participation dans bpost), mais réalise une opération à l’image de ce que la Flandre avait fait voici une vingtaine d’années en mettant en Bourse 73 % de la GIMV, sa société de développement régional.

La vente de 50 ou 70 % de la SFPI à des acteurs privés rapporterait un paquet d’argent et permettrait de réduire la dette publique. Mais qu’on le veuille ou non, une telle opération modifierait, bien évidemment, les objectifs de la société. La GIMV se comporte aujourd’hui comme une pure société de capital-risque, dont le premier souci, et c’est normal, est le retour sur investissement. Elle possède un portefeuille d’une cinquantaine de participations, en Belgique certes, mais aussi aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Suisse et même en Israël. Si la majorité de son capital est aux mains d’investisseurs privés, la SFPI devra aussi penser en priorité au rendement de ses fonds propres, au détriment peut-être de l’intérêt national.

Or, sans paraître outre mesure belgicain, il faut reconnaître que le « bras financier de l’Etat » a rendu quand même pas mal de services. Notamment lors de la crise, en épaulant le gouvernement dans le sauvetage des banques. Mais aussi plus discrètement en apportant une aide, souvent en capital, à des sociétés qui ont pu alors plus facilement trouver d’autres investisseurs.

Certes, le développement économique est régionalisé depuis longtemps. Mais lorsqu’un dossier économique a des enjeux nationaux, il n’est pas mauvais d’avoir comme partenaire potentiel, à côté des outils régionaux, une société à laquelle le label fédéral est accolé. Surtout au sud du pays où les entités fédérées sont plus fragiles et affichent donc des notations financières un peu plus faibles qu’au nord.

La structure belge est telle qu’on ne peut pas se passer pour l’instant d’une société nationale assez solide pour générer les grandes participations. Il suffit de voir l’embrouille que peut parfois constituer les relations entre le fédéral, la Flandre et la Wallonie dans la gestion d’Ethias pour le comprendre.

Si l’on veut récupérer quelques milliards, il n’est pas besoin de privatiser la SFPI et de rendre le fédéral financièrement manchot. Il suffit de vendre quelques gros blocs de participations non stratégiques, comme les 7,7 % que l’Etat possède encore dans BNP Paribas ou, c’est déjà annoncé, de mettre en Bourse une partie minoritaire (30 % ? ) de Belfius. Et encore… Certains se demanderont si vendre des actifs qui rapportent 5 à 7 % pour réduire une dette qui aujourd’hui ne coûte que 1 % est une bonne affaire. Mais cela, c’est une autre histoire.

PIERRE-HENRI THOMAS Journaliste ■